Dossier Botrytis Cinéréa, Article 1

Dossier spécial "Botrytis Cinéréa", issu de l'association "Sapros", qui regroupe des vignerons, producteurs de vins moelleux/liquoreux. Ce dossier est composé de 3 articles, voici le premier :

1°)  Présentation

 

Botrytis CinereaDéfinition de Botrytis Cinéréa : champignon microscopique parasitaire.

 

Il a besoin d’un hôte pour se développer. Plus de 225 variétés de plantes, peuvent être son hôte. Il peut pourrir les fruits, les feuilles, les fleurs, les tiges et les racines… Il est responsable de la pourriture grise, qui décime certaines récoltes. Mais parfois, pour des raisons encore mal identifiées, il s’avère que la magie opère pour que ce parasite donne la « Pourriture Noble » et nous permette de produire de grands vins liquoreux exceptionnels.

 

2°)  Botrytis Cinéréa =  « Pourriture Noble » ou « Pourriture Grise »

Dans quelles conditions évolue-t-il ?

Qu’est ce qui fait qu’il nous offre une merveille ou un désastre ?

 

Une fois installé chez son hôte, ici la vigne, comme de nombreux champignons, il est en « dormance » l’hiver, bien caché en groupe, et à l’arrivée du printemps, avec l’augmentation des températures et des journées d’ensoleillement, il refera petit à petit son apparition…

Il se développe très bien en milieu humide, c’est ce qu’il préfère.  Il aime prendre place sur de jeunes feuilles, rameaux en croissance, boutons floraux, puis plus tard en saison, sur des baies de raisins, gorgées de jus. Majoritairement,  il est déjà sur la plante, avant d’en arriver à contaminer les grains. Ce qui explique que dés la floraison, la vigne peut être parasité. Donc contrairement à ce que l’on pense en général, le Botrytis Cinéréa ne se développe pas à la surface du grain, mais bien à l’intérieur de ce dernier, puisque le champignon s’y trouve très souvent, avant même la formation des baies. Dans le cas, où le Botrytis serait présent dans le raisin dés la nouaison, dés sa naissance, il restera au repos jusqu’à la véraison du grain.

 

Redoutable prédateur, il possède la capacité de se reproduire aussi bien à proximité qu’à distance. Ainsi il peut coloniser un milieu assez rapidement. Le raisin entre en période de maturation et le champignon va transformer le raisin de l’intérieur. Pour se développer, il consomme le sucre et les acides apportés par la sève, à la baie. Il se propage lentement, sous la pellicule, et au fur et à mesure qu’il la digère, il la traverse, pour s'attaquer aux baies voisines, puis aux grappes voisines. Il ouvre aussi la porte aux autres champignons et bactéries, qui n'auraient pas pu s'installer seuls. En continuant dans cette direction,  tous ces parasites s'entredéchirent pour accéder aux réserves du fruit, et se développent autant que possible. On découvre alors, une pourriture, sous forme de filaments de toutes les couleurs (gris pour le botrytis, mais aussi vert, noir, blanc, orange selon les champignons présents), et des odeurs de moisi et vinaigre.
Le Botrytis a provoqué la « pourriture grise », et le raisin n'est plus bon à vendanger.

 

Repartons du moment, où le grain est parasité… Mais cette fois, imaginons un autre contexte. Les conditions climatiques de l'année, et le travail du vigneron, dans les vignes ne permirent pas au botrytis de se développer de façon continue. D'août à octobre, les matinées sont fraîches et brumeuses, les journées, chaudes et sèches. Le champignon, se réjouit de la rosée matinale, mais il manque d'eau, en journée. Sa croissance est faible, il consomme peu les sucres et les acides du raisin. Ces facteurs entravent la colonisation agressive du Botrytis et modifie peu à peu la composition des baies. Toujours essayant de détruire la pellicule du raisin, cette fois il n’y arrive pas,  et colore la peau de notes violacées. Ce stade de la baie est appelé : « pourri plein ». Des fissures sont apparues sur la pellicule, à travers lesquelles l'eau s'évapore par temps sec.


Le raisin se flétrit petit à petit. Pour que les sucres, certains acides et autres molécules puissent se concentrer, il faudra qu’une énorme partie du jus soit perdue.
Cette étape atteinte, le raisin qualifié de « rôti » est prêt à être vendangé.

La « Pourriture Noble » est le résultat d'une relation dynamique interdépendante entre le développement du botrytis et la concentration par évaporation dans la baie. Désormais, le pire qui puisse arriver est la pluie. Mais si les fruits sont séchés rapidement par le vent et la chaleur, les grappes seront sauves. Dans le cas contraire, le risque est la transformation de la « pourriture noble en pourriture grise » et la perte de la récolte, partielle ou totale.

 

Les vins issus du Botrytis possèdent une nature aromatique exceptionnelle. Le raisin pourri-noble est un raisin flétri, très concentré en sucres, mais il mêle et fusionne, avant tout, les arômes apportés par le botrytis noble, à l’essence de l’expression d’un terroir, qui l'a produit. C'est pourquoi, seuls les raisins « sains », n'ayant subi le développement de presqu’aucun autre champignon ou bactérie, peuvent être admis au pressoir. Pour cela, les tries sont indispensables.

 

Ce dont on ne parle jamais aussi, c’est que le raisin, destiné à la production de vins secs, peut être botrytisé, parce qu’atteint par le parasite. Cet état est appelé « Pourriture Noble Sec ». Ici encore une fois, ces raisins nous donneront un vin aux arômes puissants, dotés d’une extraordinaire concentration et pureté…

Certaines études ont déjà démontré le facteur décuplant du Botrytis sur les arômes et la concentration du raisin. Cela confirme la valeur de ces vins, issus d'un champignon, certes parasitaire, mais qui dans sa part d'incroyable, nous offre des expériences rares et uniques, quand la nature a travaillé en notre faveur...


Bonne journée

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F
Bonjour Emilie,<br /> <br /> Bravo pour cet article.<br /> <br /> Beaucoup de dégustateurs évoquent dans leur compte rendu un nez ou un goût de botrytis, mais la plupart sont incapables de décrire précisément de quoi il s'agit !<br /> <br /> En ce qui me concerne, je ne sais plus quoi penser sur le sujet.<br /> Je pensais que le botrytis n'avais pas d'odeur particulière.<br /> Ces dégustateurs ne confondent-ils pas le "rôti" provoqué par le botrytis, avec le botrytis lui-même ?<br /> <br /> Même question pour le goût de botrytis ?
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E
Bonjour Fred, à ma connaissance il n'y a pas à proprement parlé de gout de "roti", "roti" décrit l'état physique, visuel du raisin botrytisé, flétri, et coloré.<br /> Sinon les notes aromatiques d'un vin issu de raisins botrytisés sont indescriptibles, parce que ce serait comme décrire les notes de fraises, la fraise est de la fraise et un raisin botrytisé est un raisin botrytisé, en comparaison d'un non botrytisé. Pour reconnaître les notes dues au botrytis, il faut avoir l'expérience du raisin botrytisé, et pour se faire, il suffit de demander à un vigneron qui fait des vins moelleux à aller dans ses vignes avant ou pendant les vendanges tardives pour gouter du raisin botrytisé sur vigne. J'ai fait cette expérience en Alsace, et je peux vous assurer que tant qu'on n'a pas gouté, on ne peut pas imaginer et savoir ce qu'est le gout d'un raisin botrytisé. Et donc c'est parce qu'on sait quel est le goût d'un raisin botrytisé, qu'on peut le reconnaître dans le vin. Et je confirme c'est particulier et à part de toute autre chose. J'espère avoir été claire; bien à vous Emilie
C
Bonjour,<br /> <br /> Très bons articles riches en enseignement et principalement cet article sur le Botrytis qui a bien remis en question mes connaissances et ce que j´enseigne à mes élèves. Pouvez vous me citer vos<br /> sources, car j´aimerais pouvoir divulguer cela pour mes cours de dégustation.<br /> <br /> Très cordialement,<br /> <br /> Cédric
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