Conférence désapprendre à déguster, compte rendu...

Bonjour à Tous,

 

En juin 2008,  j’ai assisté à une Conférence à l’Ecole du Vin et des Terroirs de Puligny-Montrachet, créée par Anne-Claude Leflaive, du domaine Leflaive. 


Le thème de cette conférence était : Désapprendre à déguster.

 

Définition de DEGUSTER :

Goûter un aliment solide ou liquide pour en apprécier les qualités.

(source : le petit Larousse illustré, édition 2005)


Définition de GOUTER :
Vérifier la saveur d'un aliment, d'une boisson.

(source : le petit Larousse illustré, édition 2005) 

 

Etaient réunis, une trentaine de personnes, des professionnels du vin, soit : vignerons, cavistes, restaurateurs, sommeliers, œnologues….

 

En quoi cela consiste-t-il, de désapprendre à déguster ?

 

Nous partons du principe que les professionnels sont formatés dans un même moule d’appréciation des vins, grâce aux méthodes de dégustations et d’analyses du vin qui nous sont enseignées.

 

C'est-à-dire que nous savons que le goût du vin est constitué des 4 saveurs fondamentales (sucré, salé, amer et acide) et comme nous le savons et que nous avons appris à identifier ces saveurs en bouche, nous nous en servons pour observer la structure du vin, composée de l’équilibre de ces 4 saveurs fondamentales ainsi que d’un niveau d’intensité, soit la puissance d’un vin, qui s’applique aux arômes, aux saveurs et à la sensibilité tactile ressentie.

Grâce à la connaissance de ces éléments, nous sommes capables de décortiquer un vin.

En tant que professionnel, nous abordons principalement le vin sous cet angle.


Pourtant, nous sommes également des consommateurs, et lorsque nous consommons du vin, analysons-nous encore le vin ou arrivons-nous à vivre l’instant présent, sans déformation professionnelle, sans jugement ? Ou immanquablement, ne savons-nous plus consommer avec simplicité ?

 

La conférence avait ce but…

Arrêtons d’analyser et apprenons à recevoir le vin, apprenons à écouter nos sens, observons notre relation au vin, exprimons nos sensations au lieu de juger…

Pour pouvoir juger, il faut analyser, soit intellectualiser le produit.

 

Dans un premier temps, l’intervenant nous a expliqué, en résumé, que le vin avait un souffle, un souffle de quoi ? un souffle de vie, et que lorsque nous buvions un vin, il fallait percevoir ce souffle de vie…Que chaque personne a une fréquence, que chaque vin a une fréquence,  et que nous n’étions pas tous réceptifs aux mêmes fréquences…

A ce stade, tout le monde était largué et peu de personnes osaient poser des questions…

 

Je dirai plus simplement, que le vin est vivant, qu’il respire, respirer c’est inspirer et expirer, respirer provoque un souffle, ce souffle ce pourrait être de l’énergie, des ondes, des vibrations, à chacun de le voir de la manière qui lui parle le plus. Cette énergie peut être plus ou moins présente, voire inexistante, et elle peut être plus ou moins perçue suivant la sensibilité, l’attention, la réceptivité de chacun.

 

Donc autant passer à la pratique…

 

Une première bouteille est ouverte :
 

C’est un vin blanc, pour ma part le nez étant de l’infusion de bois, il ne me séduit pas. Ensuite en bouche, la structure est assez plaisante mais l’arôme de bois dominant totalement le vin, je suis encore une fois non réceptive à ce vin. Parfois, il change, bouge, apparaît furtivement différent, et aussi vite qu’il s’est manifesté, il repart pour ne laisser place qu’au bois.

Pour moi le problème de ce vin n’est pas structurel, mais aromatique, l’aromatique étant une conséquence de la vinification, ou du moins de l élevage en fût et de la jeunesse de ce vin.

Cette dominance de bois, n’est pas fine, élégante, subtile, elle est grossière, écrasante, voire vulgaire… J’aimerai re-goûter ce vin dans 5 ans pour voir… Sa structure le lui permet et peut être que cet arôme aurait évolué dans le bon sens…

 

Identité : Chardonnay 2005, Californie, Domaine Artesa

 


Seconde bouteille, vin blanc :
A peine le vin est servi, qu’il en émane des arômes de fruits exotiques, des fruits jaunes compotés, du coing confit…Ce nez est exubérant, couleurs sucrées, très flatteur, il donne envie de tremper les lèvres, pour peu que l’on ne soit pas écœuré avant…  En bouche, je ne saurai vous dire pourquoi, mais si vous connaissez l’effet soufflé et bien c’est ce que j’ai ressenti. Un tel nez aurait pu faire place à un vin puissant en bouche, mais elle est structurée juste ce qu’il faut…vraiment comme un soufflé, on prend tout d’un coup puis plus rien…c’est vrai que les notes aromatiques tiennent un certain temps, mais je n’ai pas apprécié l’attaque, ni le milieu de bouche… Très déçue.

 

Identité : Riesling 2004 du domaine Zind Humbrecht, Alsace, (élevage en fût)


3ème bouteille :
Vin rouge, le nez ne se livre pas entièrement, il y a une bonne intensité, mais elle semble contenue, c’est joli, il y a un soupçon de complexité aromatique, mais qui reste sur la réserve… je trouve qu’il se fait désirer et ça me donne envie…

Je le goûte, techniquement c’est parfait. J’en déduis très rapidement que c’est un vin issu de la fabrication technologique, mais il attire ma curiosité… Il soulève des questions, parce qu’il ne donne pas tout, et pour un vin technologique, c’est une très grande qualité…

Peut être y-a-t-il dualité entre sa nature profonde et les conditions de sa naissance…

En tout cas je suis charmée, et il ne bluffe pas…

C’est encore jeune et le voir dans quelques temps m’aurait plu…

 

Identité : Cabernet sauvignon, Cuvée Septimo Dia 2005, Argentine, Domaine Bodega Septima

4ème bouteille, vin rouge :

Le nez est repoussant, mélange de moisissures, d’œuf pourri, de poussières…

Bref, on se pose tout un tas de question, est ce vieux ?, le vin est il impropre ou malade ?

Curieux et déplaisant ça c’est sur… le temps passe et cela s’améliore nettement.

Cela commence à ressembler à un nez de vin.

En bouche par contre, c’est gouleyant.

Rien d’extraordinaire à dire, c’est harmonieux et d’une intensité, moyenne basse…  Une jolie découverte

 

Identité : Cotes du Jura, Trousseau 2006, Domaine Pignier, Jura

 


Voici les vins que nous avons dégustés, lors de la première partie de la conférence.


Et bien, nous n’avons pas tous les mêmes avis, ce qui est naturel, mais comment l’exprimons-nous ?

 

Disons-nous « je » ou disons-nous « il », le vin… Si nous disons « je », nous exprimons notre opinion, si nous disons « il », nous le présentons comme un état de fait réel, une affirmation, une vérité non opposable… Et puis rappelons, que celui qui dit que le vin a ou non une énergie est égal à celui qui dit que le vin est de qualité ou non, que le vin est grand ou non, que le vin est bon ou non…

 

A partir du moment où nous intégrons complètement la part de subjectivité inhérente au vin, nous pouvons devenir conscient et tolérant, ouvert pour l’accueillir.

 

L’intervenant avait tendance à nous recommander d’aborder le vin uniquement sous l’aspect du ressenti et d’éliminer la partie analytique. Le ressenti est simple, est ce que j’aime ou non boire ce vin, est ce agréable…

 

Cet angle d'approche est réalisable lorsque l’on ne sait pas analyser un vin, nous nous arrêterons au constat du ressenti, n’ayant pas la connaissance pour le comprendre, l’expliquer et le justifier.

Mais lorsque nous savons analyser, nous savons comme tout le monde dire j’aime ou je n’aime pas, mais rapidement s’ensuivront des explications plus ou moins claires pour justifier notre ressenti, puisque c’est spontané, naturel, ce que nous avons acquis nous ne pouvons nous l’amputer.

 

Lorsque nous analysons, nous jugeons du produit en fonction de l’image intellectuelle que nous avons de ce vin. L’enseignement nous a appris qu’un vin de qualité était un vin équilibré, c'est-à-dire que la répartition des 4 saveurs fondamentales et de la puissance du vin, sont harmonieuses.

Lorsqu’un produit reflète cet aspect, on considère que c’est un vin de qualité.

 

Maintenant, ce dont peu de personnes tiennent compte dans cette façon de faire, c’est que le goût est subjectif.

 

Finalement, la grande question qui se pose aux professionnels est : pouvons-nous différencier notre ressenti de l’analyse d’un vin ?

 

Et bien oui, je le pense, mais à la seule condition, que nous ayons conscience de notre sensibilité personnelle, c'est-à-dire reconnaître nos hyper ou insensibilités aux saveurs…

 

Ce qui me fait dire que la dégustation peut se voir de deux points de vue : professionnel ou/et personnel…

 

Ce que j’ai constaté, il y a longtemps, c’est que les gens confondent très souvent, le jugement qu’ils ont d’un vin avec leurs goûts personnels…

 

Il faut également avoir conscience qu’entre ressentir et aimer, il y a encore une seconde influence.

 

Si on est hyper sensible à l’acidité par exemple, on la détecte très facilement, même lorsqu’elle est infime… Par conséquent, si on la déteste, cela sera interprété de manière négative comme un défaut, mais si on aime ce qu’elle nous provoque, elle sera envisagée comme une qualité, comme nécessaire…

Voici de quelle manière la subjectivité intervient constamment.

 

Je n’ai jamais entendu dire un professionnel, moi je suis insensible ou très sensible à telle saveur et c’est pour cela que cela peut influencer mes jugements analytiques par rapport à mes goûts personnels.

 

Pourquoi cette condition est-elle nécessaire ?

 

Il est bien connu, qu’il y a des personnes plus sensibles que d’autres aux saveurs et aux textures, ce n’est pas pour rien que l’on dit que les goûts et les couleurs ne se discutent pas et pourtant, nous croyons pouvoir établir des règles là où il n’y en aura jamais.

 

Si on ne se connait pas, on ne peut pas réajuster son analyse, pour se rapprocher de la vérité.

 

Du coup on assiste à des problèmes tels que :

 

Vous avez 3 dégustateurs, l’un est très sensible, le second est moyennement sensible, le troisième est insensible à l’acidité.

Nous servons un vin blanc dont l’acidité est moyenne, n’oublions pas que ce genre d’informations peut se mesurer avec des analyses, les sciences nous le permettent.

Le premier dit : ce vin est nerveux, il y a un excès d’acidité sur ce vin…

Le second dit : ce vin est frais, c’est agréable, bien équilibré…

Le troisième dit : ce vin est mou, il manque d’acidité…

 

Imaginez, que vous soyez conseillé séparément par ces 3 dégustateurs, sur ce même vin, il vous sera présenté sous 3 points de vue différents, et ce sont des professionnels et vous les croyiez… Et en quoi cela vous informe-t-il sur le fait que vous puissiez ou non aimer ce vin?

 

Si on n’est pas conscient voilà ce à quoi on peut être confronté. 

 

En ayant conscience que l’on est par exemple hypersensible à l’acidité… En analysant un vin, au lieu de se dire, qu’un vin est vert, ou qu’il a un excès d’acidité, on se dira bon, moi, j’y suis hypersensible, donc ma perception n’est pas dans la moyenne, donc l’acidité de ce vin est bien présente, mais pas forcément excessive…

Du coup, on a conscience de la manière dont le produit peut être perçu par la moyenne et la manière dont nous le percevons et ressentons à titre personnel.

 

Voilà pourquoi on ne s’y retrouve plus, et voilà pourquoi les professionnels influencent constamment les consommateurs….consciemment ou inconsciemment.

 

C’est notre réalité…

Vous avez de nombreux professionnels qui analysent un vin avec leur propre perception, ce qui revient à un avis personnel plutôt qu’à la réalité du vin.

 

Et si vous n’avez pas la même sensibilité que lui, vous ne verrez jamais le vin avec ses yeux, et vous serez en désaccord avec lui et peut être oserez-vous vous exprimer, et peut être que vous n’oserez pas, et que vous croirez qu’il a raison, ce qui est le plus dommage…

 

La conférence, il me semble aurait dû avoir le but que je viens de vous développer, pourtant, il y a eu des jugements sévères sur les vins, alors que ce sont nos goûts personnels qui auraient dus apparaître. J’aurai souhaité entendre davantage les participants s’exprimer sous la forme du j’aime ou je n’aime pas et pourquoi…

 

Et les discours étaient plutôt, ce vin est ceci ou cela… Ces discours rompent l’échange entre les hommes, si nous n’osons pas affirmer un avis différent, par le silence nous adhérons et donnons raison à la majorité.  C’est l’effet pervers que provoquent cette approche et cette façon de communiquer le vin.

Pour conclure, notre formation professionnelle nous empêche de nous exprimer plus simplement et de prendre position individuellement, par conséquent notre regard analytique se confond avec notre perception propre. Ne faisant pas la part des choses, une découverte de soi plus poussée semble nécessaire à de nombreux professionnels.

La pratique lors de la conférence, donne raison à l’intervenant, nous sommes formatés, incapables de voir le vin à travers nous et de l’assumer aux risques d’être confronté aux opinions des autres.

Je précise que l’intervenant lui-même a été pris à son propre piège.

 

Ce genre de conférence a sa raison d’être, pour plus de conscience de nous et des autres, mais j’ai le sentiment que cette conclusion n’est pas apparue comme évidente aux yeux des participants…

Donc démarche positive, mais résultat peu convaincant… à suivre

 

Grande leçon d’humilité, nous sommes et restons des êtres humains avec nos forces et nos faiblesses.

 

 

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T
Il y a aussi une grande différence entre la dégustation et l'accord avec un mets... La perception varie tellement aussi en focntion des facteurs extérieurs (pression, temprétaure) et personnels (fatigue, humeur, compagnie avec laquelle on partage ce vin..). Vraiment beaucoup de paramètres en jeu.. Etes vous sensibles à l'accord vin-musique ? un thème qui me passionne et que j'étudie à travers une série sur le sujet ("vin" sur mon blog...). J'aimerais connaître votre point de vue...
Répondre
E
<br /> Bonjour Tiuscha, j'ai été visiter vos articles sur le sujet... Disons que je suis favorable au fait d'écouter de la musique en dégustant, parce que la musique est un facteur favorisant la détente<br /> et que pour percevoir un vin il faut être détendu et non boire pour se détendre.<br /> Mais de la même manière que l'on ne peut définir d'accord mets et vins, je ne pense pas que l'on puisse établir des accords musique-vin, pour la simple raison que nous sommes tous différents et que<br /> nos sensibilités diffèrent. Une musique ne peut être appréhender de la même manière par un groupe de personnes, tout comme le vin. Par conséquent, le meilleur moyen de se faire plaisir, face à<br /> un accord mets et vins ou musique-vin, est de se connaitre, de connaitre ses propres goûts en la matière. Définir des règles sur ce genre de thème diminue l'autonomie, au profit de la masse et je<br /> trouve cela dommage. Je préfère que les gens créent leurs propres accords, plutôt que de leur dicter. J'espère avoir répondu à votre question. Bonne continuation à bientôt<br /> <br /> <br />