3 Décembre 2013
En ce moment je me questionne, j’observe l’évolution du vin, le changement des consommateurs, la transformation du marché et je me sens quelque peu perdue… Je m’essouffle…
En 2008, quand j’ai créé le blog, il n’y avait pour ainsi dire peu ou pas de concurrences, et l’information disponible sur le vin était limitée…
Aujourd’hui je constate une multitude de sites dédiés aux vins, de toutes sortes, les pros, les non-pros, les journalistes, les vignerons, tout le monde s’y met plus ou moins avec originalité et diversité…
Au vu des thèmes des articles, je me demande qui sont les lecteurs, qu’est-ce qui les intéressent, qu’est ce que cela leur apporte, cela répond-il à un besoin ?
En tant que professionnelle, j’ai le défaut de ne pas savoir ce que c’est d’être néophyte, et parfois j’avoue ne plus comprendre comment un néophyte devient amateur et qu’est ce qui l’intéresse dans le vin finalement…
Il y a peu, j’ai rencontré un consommateur averti, avec qui j’ai longuement discuté de vin… lui, avait la sensation de me parler de vin, et moi j’avais la sensation qu’il disait beaucoup de choses mais qu’il ne me parlait de rien, parce que ses réflexions et commentaires n’étaient que des phrases généralistes qui laissaient la place à toutes les interprétations du monde…
Je ne doute pas de son expérience du vin et de sa finesse de perception, mais il a un handicap, celui de ne pas savoir mettre des mots, voire des mots justes sur ce qu’il souhaite exprimer en termes de sensations, de critiques, d’analyses de ses expériences…
A un moment donné, nous avons parlé de la dégustation et de son apprentissage éventuel, et sa position était très sévère et rigide envers cette option. Très clairement cela ne l’intéressait pas et ceux avec qui il partage le vin non plus… Je lui ai demandé pourquoi, ce à quoi il m’a répondu que le vin c’était du partage et du plaisir avant tout… En ce qui concerne le plaisir, je n’ai que peu de doutes, l’alcool aidant… Mais sur la notion de partage, je reste sceptique… Je lui ai dit, d’un ton un peu provocateur, « tu partages un moment, une bouteille, mais partages-tu un ressenti, une question, une impression, une critique…avec tes amis… » Parce qu’après tout avec moi il ne partageait rien de cela…
Il y a bien des façons de partager, et bien sur que l’on peut privilégier une ambiance, à la communication des mots, mais ce que je constate, c’est que lorsque l’on ne sait pas traduire nos pensées, nos émotions, nos critiques avec des mots, comment fait-on pour se faire comprendre des autres et les comprendre à notre tour ? Et bien les conséquences sont simples, on ne sait pas de quoi on parle et on ne se comprend pas…
Combien sont-ils d’amateurs à se contenter de partager un moment ? Finalement ils ne partagent pas du vin ou sur le vin, ils boiraient du café, ou de la bière que ce serait exactement la même chose… On dit que le vin est convivial, mais ce qui est convivial, c’est d’être réuni avec ceux que l’on apprécie, peu importe que l’on mange ou que l’on boive, le plaisir provient certainement d’abord d’être ensemble…
Ainsi, je suis heureuse que les gens partagent de bons moments, avec du vin dans leur verre, mais je suis un peu triste, qu’il n’y ait finalement pas de démarche de compréhension du goût du vin.
Pour moi la dégustation n’a pas pour but de vous professionnaliser, elle sert simplement à entrer en contact avec ses sensations, pour les observer, les comprendre et les nommer… Une fois que nous maitrisons cette clé de lecture entre ressenti et vocabulaire, nous sommes aptes à échanger sur le vin avec quiconque souhaite comprendre et être compris… Pouvoir communiquer les uns avec les autres, c’est créer des ponts, c’est se rapprocher, c’est augmenter le partage et le plaisir et non l’inverse comme je l’entends parfois à tort… Je vois bien que de l’extérieur, la dégustation peut sembler pompeuse et élitiste, mais c’est un préjugé qu’il faut dépasser, elle est un atout formidable pour se connecter à soi, pour se découvrir, pour apprendre à se connaitre et se comprendre, je pourrai la considérer comme un outil de développement personnel, finalement très simple et accessible pour celui qui veut bien prendre le temps…
Tout ça pour dire, que je continue ma bataille pour que les gens s’intéressent aux goûts, à leurs goûts, parce que je reste persuadée qu’il n’y a que de cette façon, qu’ils deviendront des consommateurs éveillés et défendeurs des artisans-vignerons, pour préserver la diversité et la qualité des vins français, qui se perd de nos jours…