19 Janvier 2022
Un vin de garde, comme son nom l’indique est un vin qui a la capacité de se garder et donc de vieillir, ou plus précisément de « BIEN » vieillir.
Que faut-il à un vin pour bien vieillir ?
D’un point de vue sanitaire, il a besoin de conservateur (dioxyde de soufre)
D’un point de vue « qualitatif » structurel, il doit posséder un squelette solide, stable et puissant. C'est-à-dire que la présence de tanins et d’acidité doit être élevée, harmonieuse, avec une chair prononcée, et équilibrée avec la teneur en alcool.
Mon expérience me confirme, qu’il a donc besoin d’une forte quantité de composés phénoliques. Et j’ai tendance à penser que les vins qui n’ont pas encore effectué leur fermentation malolactique avant embouteillage, sont de meilleurs candidats à la longue garde. Ces facteurs ne suffisent pas à établir une règle qui se vérifierait, mais ce sont de bonnes pistes à suivre. Le vin, pour pouvoir vieillir doit surtout être vivant !
La conservation du vin est le résultat d’un ensemble d’éléments
Une belle structure sans suffisamment de conservateur, un bouchon de mauvaise de qualité, une « cave » qui ne régule pas l’humidité et la température, une cave qui subit de nombreuses vibrations, engendreront probablement des problèmes de conservations…
Le pire à l’ouverture du vin, si vous êtes déçus, est que vous ne saurez pas quels éléments auront provoqué ce résultat.
C’est en partie une des raisons, qui décourage la garde des vins. Quand on attend 20 ans pour ouvrir une bouteille, qui s’avère « inconsommable », on peut souvent se retrouver plein de regrets voire de colère, pour peu qu’elle nous ait couté une fortune, vous imaginez le gâchis !
Le vin est fragile et à la fois il ne l’est pas…
Un vin qui possède de réelles qualités structurelles personnelles, se relèvera des épreuves quelles qu’elles soient, il est plus résistant qu’on ne le croit...
Le vin est davantage sensible aux vibrations qu’aux écarts de températures.
Il supporte mieux les basses températures, voire très basses, que les hautes.
Concernant le bouchon, qu’il soit jeune ou vieux, vous n’êtes pas dans la bouteille pour savoir s’il est « malade » ou non.
Les différences d’hygrométrie ont un impact sur le bouchon et non sur le vin.
Le bouchon permet-il une circulation de l’air régulée et optimum, pour laisser respirer le vin, sans l’oxyder prématurément.
Bien sur, les bouteilles se conservent à l’horizontale…
Sur l’étiquette :
● L’appellation « Grand Cru » ne suffit pas pour dire d’un vin qu’il est de garde.
● Les annotations du type « grand vin » ne garantissent nullement la longue conservation du vin.
Alors… Comment reconnaître un vin de garde ?
Seule la dégustation organoleptique vous apportera la réponse. C’est de cette façon uniquement, que l’on peut savoir et vérifier les conseils des professionnels…
Cette analyse olfactive et gustative vous renseigne sur la structure et l’état sanitaire du vin, et l’un n’allant pas sans l’autre, si vous reconnaissez ces 2 éléments alors vous pouvez en conclure que vous êtes en présence d’un vin ayant un potentiel de garde.
Il vous restera à définir ce potentiel. Est-il de 4, 7, 10, 15, plus de 20 ans ?
Pour savoir quand votre vin aura atteint son apogée, il faut l’observer, le suivre, l’accompagner, le regarder grandir, vieillir…
Comment faire cela ? Allez-vous me dire !
En le goutant régulièrement, 2-3 fois par an, une fois tous les 2 ans, une fois tous les 3 ans, suivant votre expérience, et le nombre de bouteilles disponibles…
La seule façon de savoir où en est votre vin dans sa courbe d’évolution est de le goûter, et de faire les constats nécessaires pour ne pas louper le coche.
Certains vins sont de plus ou moins longue garde et ce qui marche pour un vin ne se vérifie que rarement chez un autre. C’est ce qui fait que le vin est passionnant et que la gestion efficace d’une cave est si complexe…
Vous vous apercevrez, qu’à force d’expériences, parfois, vous devinerez la durée potentielle d’un vin, dés sa première dégustation. Et qu’avec le recul, il y aura peu de marges d’erreurs.
Non parce qu’il existe une règle, mais parce qu’à force de rencontrer encore et encore des observations similaires, on finit par pouvoir établir des comparatifs, des référents, des analyses et conclusions, qui nous amènent à pressentir, assez finement le parcours de vie d’un vin, grâce à notre mémoire émotionnelle…
Il ne s’agit en aucun cas d’une science, mais d’entrevoir l’âme du vin, pour le comprendre et lui donner ce dont il a besoin, quand il en a besoin.
Personnellement, je ne fais pas confiance aux outils commercialisés pour dire aux consommateurs quand boire leurs vins.
N’oubliez pas que le vin est une affaire de goût et que l’apogée d’un vin ne sera pas toujours la même d’une personne à une autre.
Certes il existe, celle qui est définit par le professionnel. Cette apogée là, correspond au moment où le vin a vieilli au maximum de ses capacités sans décliner du point de vue organoleptique. C'est-à-dire que chaque élément constituant la structure du vin, a évolué parallèlement dans une même direction et à un rythme cohérent, optimum…
Une fois cette apogée atteinte, on considère que le vin va décliner encore une fois dans une direction et à un rythme qui lui sont propres…
Certains apprécieront le vin avant son apogée, d’autre uniquement pendant, et pourquoi pas après… Question de goût, qu’est ce que l’on aime, qu’est ce qui nous dérange… Le vin en déclin, nous pose t-il un problème parce qu’il manque d’acidité, parce qu’il est trop oxydé, parce que ce sont ces arômes qui nous gênent…
C’est pourquoi il est important de se connaître, et de faire son propre chemin, pour savoir quels vins nous correspondent et dans quelles circonstances…
Si votre caviste vous vend un carton de 6 bouteilles, en vous disant que vous pouvez les garder 10 ans sans problème et que vous vous reposez uniquement sur ces dires.
Vous rentrez chez vous, vous rangez soigneusement vos vins, vous y mettez une étiquette en marquant : « à ne pas consommer avant telle année » et puis vous oubliez vos bouteilles comme vous l’a dit votre caviste.
Partons du principe qu’il avait raison sur son estimation, le hic c’est qu’à l’ouverture, elles ne vous plaisent pas. Qu’allez-vous bien pouvoir faire de ce résultat ?
L’auriez-vous aimé avant ? le préféreriez-vous plus tard ? Et non, en fait il avait tort sur la durée de garde…
Vous aurez compris, que le professionnel quel qu’il soit, « bon ou mauvais », n’est pas à votre place et que si vous voulez prendre réellement du plaisir, il faudra que vous fassiez l’effort de gérer vraiment votre cave et non de vous contenter de stocker pour stocker.
D’autre part, chaque ouverture du vin devra être observée consciencieusement, parce qu’ouvrir une bouteille, et se la siffler sans y faire attention, ne vous permettra pas non plus de retenir où en est votre vin et de savoir quel sort lui réserver.
Je conclurai en vous disant quelque chose d’assez subjectif.
Les vins de garde, en ce qui me concerne, sont souvent peu appréciés jeunes, pour ne pas dire « imbuvables ». Cela se comprend du fait de leur structure, disproportionnellement puissante, du coup le vin semble « vert », trop jeune…
Vous constaterez également que cette situation est assez rarissime de nos jours, et que généralement, on dit des vins « imbuvables » jeunes qu’ils sont de mauvaises qualités, qu’ils peuvent être grossiers, sans finesse, en tout cas, en faire des interprétations plutôt négatives.
En fait, tout est question d’ignorance et d’incompréhension.
Oui ces vins ne provoquent pas de plaisir à ce stade de leur évolution, mais ce sont ceux-là qui devraient vous interroger, attiser votre curiosité, et surtout ce sont ceux-là, qui ne vous promettent rien, mais qui vous offrent le plus à l’arrivée du voyage.
Ils ne sont pas charmeurs, ils ne sont pas séducteurs, ils ne bluffent pas, ils ne vous donnent pas tout d’un coup, ils gardent du mystère et se dévoilent avec parcimonie. Nous devons user de patience pour nous offrir ces expériences incroyables.
C’est certain, ces vins là, ne peuvent pas être accessibles à tous, parce qu’ils demandent d’être attendus dans une époque, où l'on veut tout, tout de suite !
Ces vins, quelque part, se méritent, ils sont des récompenses aux plus persévérants d’entre nous. Comme des trésors qui ne se distribuent pas à tours de bras, leur valeur est au-delà de celle de l’argent, elle est avant tout un moment proche de l’extraordinaire, parce qu’exceptionnellement nous accédons le temps d’un verre, d’une bouteille à la communion.
Comme j’avais commencé à l’introduire un peu plus haut, vous avez peut être peu rencontré cette expérience de gouter un vin jeune, en vous faisant la réflexion qu’il était « trop jeune », qu’il ne vous convenait pas. Cette observation est peu fréquente parce qu’il y a de moins en moins de vins de garde, ces vins disparaissent... Ils sont généralement plus couteux à produire et donc plus couteux à l'achat, et demandent d'être attendus pour donner du plaisir, donc ils possèdent bien des inconvénients par rapport aux vins de consommations courantes...
Bientôt trouver un « VRAI » vin de garde va devenir quelque chose d’exceptionnel, si ce n’est de légendaire, au rythme où ça va...
Plus personne ne souhaitait assumer la conservation des vins, et bien nous avons gagné le gros lot, les vignerons n’en produisent presque plus, puisque personne ne veut attendre, immobiliser, miser sur le long terme.
Pour ceux qui possèdent malgré tout une cave, c’est très souvent la loterie, j’ai connaissance de nombreux cas qui furent fortement déçus d’avoir conservé du vin si longtemps, pour ne pas pouvoir le consommer à l’arrivée…
Je mettrai également en garde contre l’ignorance et l’inexpérience.
Parfois on croit que le vin est foutu, parce que l’on n’aime pas le résultat obtenu, alors que le vin est parfaitement consommable, et qu’il est ce qu’il devait être. Donc ayez déjà l’expérience de la consommation de vins de garde pour vous lancer dans ces investissements, parce que sinon la surprise risque d’être de taille. Les vieux vins sont vraiment particuliers et je peux comprendre que certains n’y soient pas sensibles.
D’où l’importance de s’entrainer, et d’acquérir l’expérience nécessaire pour apprécier ces vins à leur juste valeur.
Parfois aussi, cela se joue à peu de choses, le service du vin, le choix d'un décantage, le choix de la verrerie, le choix de durée d’ouverture avant consommation…
Je regrette quelque part que les choses ne soient pas plus simples, pour vous néophytes.
Ceci-dit la satisfaction, le plaisir infini que nous apporte un tel produit dans sa complexité, aurait-il la même intensité s’il n’exigeait pas de nous des efforts, de la patience…
Je vous parlerai bien d’un autre goût que celui du vin, celui de l’EFFORT, mais ce n’est pas l’intention du blog.
S’efforcer, s’élever, s’améliorer, se transformer, évoluer en fin de compte…
Tous ces mots ont la même valeur pour un vin ou pour un homme.
Quand vous imaginez que certains vins possèdent ces facultés, n’est-ce pas fantastique, merveilleux ?
Moi j’en reste baba, béate.
Ce produit fait par l’homme nous apprend bien des choses sur lui et sur nous-même…
Alors même si mes propos peuvent décourager certains d’essayer de se constituer une cave, et bien écoutez-moi et ne m’écoutez pas, prenez ce que vous voulez et surtout faites vous plaisir… Il existe peu de vins de garde, parce que la production globale de vins est immense, mais même en minorité, il y a suffisamment de quoi faire…
Partez à l’aventure, partez en quête, comme une chasse aux trésors… Et retirez toujours quelque chose de chaque expérience, même quand vos attentes peuvent être déçues.
C’est en conservant une demande de ces vins, qu’ils perdureront, et que nous participerons à encourager les viticulteurs à préserver notre savoir-faire et les vins d’exceptions.
Bonne journée à Tous