25 Mars 2015
Dans ma démarche envers les consommateurs, j’essaye de défendre les vignerons-artisans et leur savoir-faire.
J’aime mettre en avant la notion de goût, non seulement celui du vin, mais surtout celui du consommateur.
Nous oublions que nous avons tous des perceptions et des sensibilités qui diffèrent, et que ces différences ont des conséquences.
C’est ce qui fait qu’un même vin, dégusté par un groupe, sera aimé un peu, beaucoup, moyennement, par chaque personne.
Nous avons des préférences, pourquoi ne pas les revendiquer ?
Dans une même région, il y a des vins différents, sur une même appellation, il y a des vins différents…
Pourquoi les vins sont-ils différents ?
Toujours la même réponse, de nombreux facteurs entrent en ligne de compte, comme : la qualité du raisin, le terroir, les types de vinifications et d’élevages, l’intention même que met le vigneron dans son vin…
Si on veut pousser le vice, on peut aussi parler des facteurs externes, tels que notre humeur, la luminosité, la verrerie, l’atmosphère, les gens présents… Cela sous-entend qu'un même vin peut être perçu différemment en des circonstances différentes.
Il s’avère souvent, que nos préférences sur le vin, naissent davantage de la structure du vin, soit sa construction globale, que de ses arômes.
Hors la structure d’un vin n’est pas la résultante d’une région, d’un cépage, mais du travail effectué par l’homme.
Je vais peut être vous choquer, mais une fois que la structure du vin que l’on aime, est identifiée, il est possible de la retrouver dans toutes les régions qui existent, françaises, ou non d’ailleurs. D’où l’intérêt de la connaître et de savoir l’exprimer.
C’est pourquoi, lorsque l’on aime le vin d’un vigneron, soit son travail. Être un client fidèle de ce vigneron, peut nous garantir, un certain plaisir, lors de la consommation de ses vins.
C’est aussi, ce qui fait, que lorsque l’homme du domaine change, trop souvent, le vin change aussi….
Comme je l’ai développé dans l’article « Où est le goût de nos jours » je souhaiterai que vous vous intéressiez davantage à ce que vous consommez dans la bouteille. J’aimerai que vous vous intéressiez au plaisir du vin et non pas au plaisir de l’alcool.
Je suis idéaliste...
Je risque de vous paraître dure et je le regrette, mais s’il y a bien quelque chose auquel assiste tous les jours dans son travail un sommelier, une sommelière c’est la manière dont consomment les clients.
Tous les professionnels ne sont pas observateurs de cette question, mais en ce qui me concerne, je l’étais.
Le vin n’est pas un produit fait pour étancher sa soif, il ne désaltère pas. Aussi, en théorie, si les consommateurs étaient à l’écoute de leur corps, ils s’apercevraient que lorsque l’on a soif, on boit de l’eau, et que lorsque l’on veut communier, on boit du vin. Mais la réalité est toute autre. Personne ne cherche à communier et encore moins, grâce au vin.
Ainsi, de nombreux consommateurs ne boivent pas du vin à table pour y faire honneur, mais juste pour se rincer le gosier.
Et ce qu’ils aiment, c’est l’effet euphorisant, discret et subtil, que le vin enfin l’alcool en général procure.
Alors peut être, si notre manière de consommer était plus consciente, plus responsable, nous n’engendrerions pas les problèmes que nous connaissons aujourd’hui. Que ce soit, ne pas utiliser notre droit de paroles et d’actions, par manque de conscience, les répressions contre l’alcool, par manque de responsabilités, la perte de notre diversité, par manque d’intérêts, une consommation médiocre, par manque d’exigences.
Le vin est complexe, mais ce n’est pas plus compliqué, que la cuisine, la couture, la musique, ou je ne sais quoi encore… Personne ne naît avec ces connaissances de manière innée, il est évident que pour savoir parler, écrire, lire, il a fallu apprendre et bien le vin c’est pareil. Si on ne souhaite pas apprendre, on ne sait rien, mais si on fait un effort et que l’on se donne les moyens d’acquérir ne serait ce qu’un peu de cette compréhension, ce sera déjà beaucoup, parce que cela veut dire que l’on a choisi de s’éduquer au plaisir avec conscience, au lieu de subir, de ne percevoir que l’alcool !
Posez-vous la question, quel vin aimeriez-vous, s’il n’y avait pas d’alcool dedans ?
On enlève l’alcool, que reste-t-il ?
De la même manière que je souhaiterai qu’il y ait une prise de conscience concernant l’acte de consommation, j’aimerai que les consommateurs s’éduquent au goût et aux vocabulaires qui permettent l’expression du vin, qu’elle soit émotionnelle ou verbale.
J’aimerai que vous puissiez reconnaître la valeur du travail d’un vigneron lorsque vous goûtez un vin, au-delà d’une étiquette, d’un conseil donné par un pro ou par un média…
Je souhaiterai que vous soyez autonome, que vous ne dépendiez de personne, pour choisir vos vins, ceux qui vous plairont à vous et à personne d’autres.
Sans cette prise de conscience, sans cette éducation à soi et au goût, je ne vois pas comment nous pourrons préserver l’art de nos vignerons.
Si nous ne mettons pas de sens, dans la démarche de consommer un vin pour remercier ce qu’un homme nous offre, alors nous ne valorisons pas son effort à lui. En ne valorisant pas ce travail, cet aspect, nous n’encourageons pas ces derniers à produire un vin authentique, sincère, généreux, nous ne les motivons pas à travailler tout court, à se différencier, à se battre pour leur choix, à s’affirmer, puisque nous préférons laisser mourir la diversité.
Nous ne sommes plus des aventuriers, en quête de l’inconnu, nous voulons tellement « l’égalité », que nous préférons tous consommer les mêmes vins moyens, plutôt que de rencontrer la beauté même rarement, même par hasard…
Le vin est entrain de perdre ses lettres de noblesses, il est plus que temps de réagir, avant que l'excellence ne disparaisse à jamais, donnons-nous la peine de préserver l’Art du Vin et ses artisans.
Bonne journée