5 Avril 2012
L’Irlande pourra-t-elle, un jour prochain, devenir un pays viticole ? La Bourgogne, fidèle au pinot noir depuis des siècles, devra-t-elle adopter d'autres cépages ? Faudra-t-il bientôt irriguer certains vignobles classés ?
Professionnels et scientifiques le constatent depuis plusieurs années : le réchauffement est là, et imprime sa marque sur une activité qui se doit de respecter de stricts critères de qualité.
Chez la vigne, on constate une avancée de précocité de la floraison, assortie d’une avancée globale de la date moyenne de véraison et de vendanges, et ce dans l’ensemble du vignoble français.
Le vin compose depuis toujours, avec les caprices du climat, a rappelé Emmanuel Le Roy Ladurie, historien du climat. Il assure que 2003 "dépasse tout", et nous informe que "l'année qui s'en rapproche le plus est 1523, où les vendanges avaient commencé le 27 août en Bourgogne." En 2003, elles ont débuté le 19 août.
Comme on l’observe sur le graphique ci-dessous, les dates de vendange varient en sens inverse de la température. Plus la température est élevée, plus la date de vendange est précoce.
Sur les vingt-sept régions viticoles du monde prises en compte dans son analyse, la température moyenne a augmenté de 1,3 °C au cours de la saison végétative.
Dans une étude à paraître, Gregory Jones estime que, depuis 1950, la bande géographique favorable à la culture de la vigne (entre 10 et 20 °C de température moyenne) s'est déplacée entre 80 et 240 km vers les pôles.
Les relevés météorologiques le confirment en Bourgogne, note Jean-Pierre Chabin (université de Bourgogne) : "C'est comme si, en trente ans, Beaune s'était déporté 200 km plus au sud."
Du coup, des parcelles situées plus en altitude, où la température est moindre, deviennent très prometteuses.
Le réchauffement de ces dernières décennies a quelque peu perturbé les vignobles français : la floraison et le débourrement sont plus précoces, les vendanges avancent de plusieurs semaines... Et cette tendance n’est pas prête de s’inverser.
Pour continuer à produire des vins de qualité, les viticulteurs devront s’adapter !
(Changement de cépages, de mode de conduite….)
Que les opinions soient minimalistes ou alarmistes, tous reconnaissent que le réchauffement climatique a un impact sur la viticulture et la qualité des vins, c’est un facteur important rentrant dans la définition du terroir, les vignerons devront le considérer et l’intégrer dans leur nouvelle stratégie viticole.
L'effet du réchauffement planétaire sur la viticulture attire également l'attention. Certains travaux visent déjà à modifier le profil génétique de certaines vignes, tel le populaire chardonnay, pour les rendre plus résistantes aux canicules et aux sécheresses. On ne sait pas aujourd'hui quel impact, cela aura sur le goût des vins.
Le climat est un facteur primordial de la viticulture et il affecte autant la qualité que le goût des vins. Certains scientifiques prétendent que le réchauffement climatique a déjà influencé le style des vins que nous buvons de nos jours, contribuant à un taux de sucre plus élevé dans les raisins et, incidemment, un taux d'alcool plus important.
La pratique de l’enherbement des parcelles, qui s’est beaucoup développée ces dernières années afin de limiter les excès de vigueur des vignes et les problèmes d’érosion, posera-t-elle aussi question en cas de pénurie d’eau.
Dans le même temps, l’irrigation, aujourd’hui interdite, sauf pour les jeunes vignes qui ne sont pas en production, devra être autorisée avec des systèmes économes de goutte-à-goutte, comme cela se fait déjà dans certains pays du Sud.
Entre autre, certains vignerons devront se résigner à ne plus cultiver certaines variétés de cépages et à se concentrer sur d'autres qui s'adaptent mieux aux conditions climatiques caniculaires.
En un mot, les terroirs actuels dans les petites appellations deviendront grands et les grands devront changer de cépages (très certainement le Gamay) c’est le retour à la case départ du 11ème siècle.
En effet, les baies de certaines variétés, tel le pinot noir, sont très sensibles à la chaleur, alors que d'autres cépages tardifs, tels le grenache et le mourvèdre, lesquels requièrent une quantité importante de chaleur pour mûrir, bénéficieraient du réchauffement planétaire.
Ce phénomène global pourrait ainsi changer radicalement la carte des vignobles que nous connaissons aujourd'hui.
Le vin résulte de relations complexes entre des facteurs de stress tels que le terroir, le climat et les pratiques culturales.
La qualité a de tout temps varié selon le climat : c’est ce qu’on appelle l’effet millésime !
L’A.O.C. est basée sur ces paramètres, les traditions, les choix de cépages, mais aussi sur un milieu (climat et sol) et les pratiques humaines. »
Si l’un de ces paramètres varie, on déstabilise quelque part l’A.O.C qui ne s’appliquera plus dans ce lieu mais ailleurs, plus au nord, en altitude, dans des sols plus argileux.
Ainsi, en Bourgogne, les Hautes Côtes sont les Grands gagnants actuels et futurs du réchauffement climatique.
Les conséquences sont avant tout sociales, économiques et politiques. La tendance est de protéger ces terroirs. Jusqu’à présent, cela a été possible par le choix des cépages et des pratiques.
Mais en sera-t-il toujours ainsi ?...
Source : dossier issu d'un vigneron bourguignon
Bonne journée