31 Mai 2024
J'adore les questions qui n'ont pas de réponses simples et celle-ci en est une ! Je ne doute pas que certains de mes confrères se lanceraient dans une succession de critères venant définir ce qu'est un "bon" vin, mais je ne peux voir cette question sous cet angle. Il ne s'agit pas de critères, qui créeraient une règle reconnaissable et vérifiable en toutes circonstances, il s'agit d'expériences personnelles et subjectives.
Je vais étayer mon propos (pardon pour la caricature) ; si vous avez consommé uniquement le cubi de supermarché du coin, votre référent gustatif reflètera votre expérience. Vous saurez sans doute apprécier qualitativement les différents cubis que vous aurez goutés, et vous aurez des préférences qui viendront classer ce que vous jugez de meilleur ou de médiocre.
La question que l'on est en droit de se poser est : si on vous présente un vin de qualité supérieure (définit par un pro) à ce que vous avez toujours connu, serez-vous en capacité de le considérer de qualité supérieure ? S'il vous plait, c'est tout à fait possible et même probable. Mais s'il ne vous plait pas, cela va se compliquer un peu.
Et c'est de cette façon que l'on comprend que pour développer une expérience suffisamment conséquente pour nous permettre d'identifier les différents niveaux de qualités d'un vin, cela passe inévitablement par l’adhésion affective. Puisqu'en dehors des professionnels, il est assez difficile pour un amateur lambda de reconnaître la qualité quand l'appréciation est négative.
Combien de fois disons-nous, "ce vin n'est pas bon", au lieu de "je n'aime pas ce vin", avec la conscience qu'on ne peut juger de la qualité objective du vin.
Je parle en général hors cas de défauts majeurs comme le vin bouchonné ou piqué.. Ce qui n'est pas un bon exemple, puisqu'il m'est arrivé de servir un vin bouchonné sans que les clients s'en aperçoivent, comme quoi la perception d'une qualité ou d'un défaut dépend certes de l'expérience, mais aussi de la capacité à percevoir finement les caractères d'un vin.
Il y a un lien intrinsèque entre la perception et l'appréciation, je pourrai y ajouter l'attention, un peu comme si muni des meilleures jumelles qu'il soit, si vous ne regardez pas au bon endroit, vous ne verrez rien.
Il est important d'avoir une expérience du vin la plus vaste possible pour :
- observer et comprendre ce que l'on aime
- prendre conscience de quelle façon notre appréciation influence notre perception
- affiner notre perception
- et au final pouvoir développer/élargir nos goûts
- et recommencer encore le même processus d'évolution...
C'est à force de gouter que l'on développe une observation plus objective que subjective et que l'on fait évoluer nos goûts, notre perception, notre conscience de soi et de ce qu'est le vin.
Qu'un vin soit de moyenne, bonne ou meilleure qualité, il sera toujours apprécié par certains et détesté par d'autres, qualifié tantôt de bon, tantôt de mauvais. Nous ne serons jamais unanimement d'accord sur la qualité "réelle" d'un vin, il y la théorie, tel cru est "bon", tel domaine fait des "bons" vins, nous aimons les mythes et les légendes... Et puis il y a le sensoriel, parfaitement subjectif, parfaitement authentique, on aime ou on n'aime pas, et c'est ce qui fera qu'on consomme ou non.
Je résumerai le "bon" vin à celui qui est bu. C'est la seule vérité qui compte ! Parce qu'il y a des vins qu'on juge de qualité et la bouteille ne se vide pas à table, et il y a des vins qu'on juge de "piquette" et pourtant à la fin de la soirée, la bouteille est vide et cette réalité ne peut être remise en question.
Alors si vous buvez du vin et que vous y prenez un certain plaisir en dehors de l'alcoolisation pure et dure, alors on peut dire qu'il s'agit d'un "bon" vin, pour vous :-) parce que ce ne sera peut être pas le cas pour votre voisin.
Comme je l'ai déjà traité dans le sujet : "Comment détermine-t-on la qualité d'un vin ?" il n'existe pas de référent officiel déterminant ce qu'est un vin de qualité et quelles seraient les différentes qualités de vins, parce que cela n'est pas possible, on ne peut définir un vin de qualité que par le fait qu'il est consommable sans défaut majeur excluant toute possibilité de consommation.
Par construction mentale (nos connaissances culturelles), nous avons une idée fictive de la qualité d'un vin, les dégustations à l'aveugle prouvent tous les jours que sans savoir ce que l'on goûte, la couleur, le nom, le prix, le sensoriel nous ramène inévitable à notre appréciation affective, "j'aime, je préfère" et c'est ainsi que par comparaison nous jugerons quel est le bon vin du mauvais. Les personnes les plus expérimentés auront sans doute plus de finesses et de nuances dans leurs jugements, mais elles ne sont en aucun cas à l'abri de se faire piéger.
Je sais combien vous aimeriez que le vin soit plus généraliste et moins une affaire de parcours individuel, mais c'est ainsi qu'il est simple. Si nous pouvions établir des règles simples d'un sujet si complexe nous vous mentirions et cela arrive, je vois beaucoup d'informations erronées qui circulent sur le vin. Mais si on en fait une démarche personnelle, respectueuse de soi-même et du produit, alors la complexité n'a plus lieu d'être, on remet le sensoriel, la vie, le présent, l'attention, le ressenti au coeur de notre intention et il ne s'agit plus que d'être à l'écoute pour que l'expérience prenne sens et nous permette de nous enrichir.
Je vous encourage à faire autant de découvertes que possible.
Bonne dégustation !