24 Février 2022
« Tous les goûts sont dans la nature »
« Les goûts et les couleurs ne se discutent pas »
Ces proverbes nous rappellent la diversité et le respect de nos goûts.
Lorsque l’on parle de vin, on parle plus volontiers du goût du vin, que de nos goûts. Pourquoi ?
Il est difficile de parler du goût du vin, puisque cela nécessite une analyse objective quand la majeure partie du temps, nous exprimons une opinion subjective.
Alors combien sommes-nous à confondre notre goût avec celui du vin ?
Inconsciemment, il y a l’envie d’avoir raison, lorsque l’on dicte notre opinion sur un vin, on prend le risque d'influencer, positivement ou négativement ceux qui nous entourent. Quand on exprime son goût, et qu'on assume la subjectivité de son ressenti, non seulement nous ne sommes plus dans la notion du « tort ou raison », mais ça laisse également de la place à quiconque souhaiterait exprimer une opinion différente de la notre…
Exprimer et partager nos ressentis, c’est se confronter à la réalité, cela permet de se situer par rapport aux autres et de prendre conscience de quelle est notre sensibilité personnelle aux goûts. Une fois cette prise de conscience faite, après un certain entrainement afin d’acquérir une expérience et des référents solides, nous pourrons commencer à tenter l’analyse objective d’un vin. L’intérêt majeur de l’échange et du partage est de comprendre que nous ne goutons pas tous de la même façon, parce que nous n’avons pas tous les mêmes goûts. Se rendre compte qu’un même vin peut être perçu différemment par plusieurs personnes est une étape enrichissante et constructive dans l’apprentissage et la compréhension du vin. Tant que nous ne savons pas nous situer dans la masse, nous ne pouvons pas réajuster notre perception en fonction de l’ensemble.
Vous êtes nombreux à vouloir tendre vers l’analyse objective.
Dans l’ensemble, je ne vous y encourage pas, parce que vous n’avez aucun besoin de maitriser cette finesse de dégustation dans votre consommation courante pour partager entre amis. Parce que décortiquer aussi profondément un vin c’est oublier la notion de plaisir sensoriel, parce que c’est le professionnel qui doit se mettre à votre portée et non l’inverse.
A savoir que pour consommer avec simplicité et générosité, le professionnel doit déconstruire ce formatage (quand il le peut) pour revenir à l’essentiel : l’émotion.
Je vous invite à découvrir ou redécouvrir l’article « Désapprendre à déguster », qui conclut sur le constat que les professionnels ne savent pas ou plus parler de leurs goûts, qui se confondent avec leur vision du vin, il n’y a plus de distinction entre subjectivité et objectivité, leur reflexe est de toujours parler du vin sans parler d’eux-mêmes. C’est inquiétant, on pourrait même remettre en question leurs compétences, s’ils considèrent qu’il n’y a pas de différences entre leur analyse subjective et objective.
Cette conscience de soi est rarement évaluée ou débattue au sein de la profession, c’est un peu le sujet tabou, que l’on évite autant que possible, clairement une vérité, une notion qui dérange ce petit monde qui s’est mis d’accord pour partir du principe qu’on sait mieux que les autres.
Tout ça pour dire que l’essentiel dans la dégustation c’est de se délecter des sensations, de les comprendre, de les nommer, de les partager, de vivre… Le reste, la cérébralité, les débats qui n’en finissent pas pour uniformiser l’opinion, n’est qu’une possibilité de plus dans notre société de polluer l'esprit.
Alors déguster OUI !, pour être un « pro » NON !
Connectez-vous à vos sens...