27 Juillet 2022
J’ai lu un article dans « la Vigne » qui parle de la notion de gras dans le vin, perçue par les professionnels et les amateurs de vin. Les informations communiquées découlent d’une étude menée par l’Institut œnologique de Champagne et le Centre des Sciences du goût et de l’alimentation de Dijon, voici ce qu’il en est :
82 personnes ont été interrogées, parmi elles, des professionnels et des amateurs de vin ; tous soumis aux mêmes tests.
Ils constatèrent les faits suivants :
● Les deux groupes considèrent que rondeur est synonyme de gras, que gras est un facteur parmi d’autres de la notion de volume ; ils associent au volume les mêmes termes (ampleur, rondeur, présence en bouche, et persistance), ils parlent de volume en bouche pour parler du gras.
● Les amateurs considèrent que la notion de gras s’applique mieux aux rouges qu’aux blancs. L’expression « gras » ne leur évoque rien. Ils utilisent l’adjectif épais pour parler du gras ; l’adjectif épais est absent du vocabulaire des professionnels. Pour eux, le mot volume est plus évocateur que le mot gras.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, et si tout cela vous parle, mais c’est l’occasion de détailler un petit peu cet aspect du vin, puisque les amateurs ne comprennent pas la notion de gras.
Il y a la catégorie des vins secs en opposition aux vins moelleux, et dans la catégorie des vins secs, il y a des vins dont la texture est plus ou moins sèche, plus ou moins grasse. Aux deux extrêmes : la texture de l’eau est « sèche », la texture de l'huile est grasse. Quand je vous parle de cela, je suppose que vous visualisez bien en bouche, les sensations différentes et pourquoi on peut parler de textures plus ou moins grasses ou sèches. Il est évident que le vin ne peut pas avoir la texture de l'huile, cependant, il existe bien des vins dont la texture sera plus ou moins sèche ou grasse.
Je vous rappelle également que dans les pépins de raisins sont contenus un liquide huileux qui renferme les tanins du raisin et que c'est cet élément combiné à la viscosité du glycérol qui donne ces sensations de gras et de moelleux en bouche.
Pour me rapprocher de la notion d’épaisseur, il est vrai que l’eau aura une sensation assez maigre en bouche, tandis que l'huile aura une sensation plus épaisse ; l’eau coule, l'huile tapisse notre palais, nous mettrons plus de temps à éliminer la matière.
Je peux comprendre que l’on assimile l’épaisseur au gras, il est vrai que je trouve un vin gras plus épais qu’un vin bien sec.
Ces observations faites lors de la dégustation d’un vin permettent en effet de dire qu’un vin gras nous donnera une sensation de volume plus importante en bouche, qu’un vin dont la matière est maigre. Mais n’oublions pas que la densité ou consistance de la matière, n’est qu’un élément parmi d’autre pour définir globalement le volume d’un vin.
Maintenant dans les résultats de cette étude, il y a un bémol à mon sens.
Ils disent que les deux groupes associent au volume les termes : ampleur, rondeur, présence en bouche, et persistance.
Le seul terme en correspondance avec le volume est -ampleur-. Ce terme reste vaste, s’il est seul, mais il donne bien une perception de volume, de taille.
La -rondeur- décrit davantage un état, un aspect de la texture du vin, plutôt qu’un volume. C'est-à-dire que tous les vins, qu’ils soient volumineux, ou non, peuvent être ronds, c’est pourquoi j’ai beaucoup de mal à considérer que la rondeur puisse être associée à la notion de volume.
-Présence en bouche- ne signifie rien si l’expression n’est pas complétée, soit présence en bouche de tanins, de gras, d’aromes fleuris etc…
Quant à la -persistance-, généralement la persistance est aromatique et non texturale. Quand on dit qu’un vin tient en bouche, il s’agit rarement de la sensation de milieu de bouche, qui reste, mais plutôt de ses arômes. Un peu comme le café, ou le chocolat, ce sont des aliments dont vous conservez longtemps l’arome en bouche, mais pas la sensation propre à la matière de l’aliment ; qu’il soit consommé sous forme de boisson, de morceau, de glace, ou de crème, c’est toujours l’arome que vous gardez longtemps en bouche et non la texture. Par contre le thé, le pain, les œufs, ou mêmes les courgettes, sont des aliments qui une fois mangés ne vous laissent pas leur arome longtemps en bouche. J’espère avoir été claire sur la persistance aromatique dont on parle dans le vin.
Enfin je finirai sur la question de gras en fonction de la couleur du vin. Contrairement à ce qui est dit par les amateurs, la notion de gras est plus spécifique aux vins blancs qu’aux vins rouges, parce que les vins rouges possèdent plus de tanins que les vins blancs, et que cet élément influe sur la structure ; aussi même si la matière du vin rouge est assez grasse, elle sera plus ou moins masquée ou compensée par les tanins qui donnent du volume au vin ; de ce fait, la matière s’en trouve moins épaisse. Donc il ne suffit pas de dire qu’un vin blanc sans acidité et sans tanin sera gras, mais disons plutôt que la structure du vin va induire notre perception de la matière, parce que la structure viendra l’alléger, l’alourdir, la grandir, la réduire et ainsi de suite…. C’est pourquoi le gras est plus facilement perceptible dans les vins blancs que dans les vins rouges, bien qu’il existe dans tous les vins.
J’espère avoir éclairé les lanternes de ceux qui ne comprenaient pas la notion de gras dans le vin.
Bonne journée