29 Juillet 2014
La société Lallemand (www.lallemandwine.com) est spécialisée dans la sélection et la production de levures, bactéries et dérivés de levures destinés à la filière vitivinicole.
Depuis 5 ans, chaque année, elle organise un petit tour en France, pour organiser des débats sur des thèmes œnologiques, dans le but de partager, d’évoluer sur certaines questions, d’ouvrir des pistes de réflexions pour améliorer leur compréhension du vin…
Cette année le thème était « la typicité aromatique des vins » ; ils ont communiqué récemment leurs conclusions sur les échanges qui ont eu lieu pendant leur « Tour 2010 ».
Toutes les informations qui vont suivre, sont axées sur la mise en évidence de la typicité aromatique dans les vins :
- 1ère expérience réalisée par l’AWRI (Autralian Wine Research Institute)
Les vins de Chardonnay australiens sont fortement touchés, par la concurrence des vins de Sauvignon néozélandais ; pour résoudre ce problème, l’AWRI a envisagé la solution « biotechnologique » en testant différentes levures sur un même moût de raisins, afin d’observer les résultantes aromatiques des levures sur le vin. Ici, ils comptent sur les levures pour modifier l’aspect aromatique du vin, espérant obtenir un Chardonnay qui plaise davantage que ceux produits actuellement et qui sont moins bien appréciés que les vins de Sauvignon. Ainsi, après avoir testé 5 catégories de levures, ils ont analysé les résultats en laboratoire (étude des molécules aromatiques), qui ne furent pas concluants par rapport à leurs attentes ; et ils ont présenté ces mêmes vins à un panel de consommateurs, pour observer leur perception. 3 profils de consommateurs se sont distingués :
● Le profil n°1 est un homme de 50 ans environ, qui a l’habitude de consommer régulièrement du vin. Il préfère le Chardonnay aux notes exotiques et rejette ceux qui ont des notes florales.
● Le profil n°2 est une femme plutôt jeune, qui consomme peu de vins. Elle rejette les Chardonnay aux notes de buis et « pipi de chat », elle préfère ceux aux aromes de bonbons anglais et confiseries…
● Le profil n°3 est une population qui se caractérise uniquement par le fait d’aimer les Chardonnay aux notes de buis et « pipi de chat » et qui rejette ceux aux aromes de confiseries.
Dans un second temps, ils ont demandé au panel quel vin, ils pensaient avoir gouté, sans leur préciser que le seul élément qui différait sur chaque vin était la levure utilisée pour la fermentation alcoolique. Le panel a préféré majoritairement les Chardonnay qui pouvaient être perçus comme des Sauvignon sur la base aromatique.
Cette étude nous démontre clairement que la sélection de levures exogènes peut être une solution œnologique pour au minimum modifier la base aromatique d’un vin, voire lui donner les caractéristiques aromatiques d’un autre cépage.
- 2ème expérience réalisée par un maître de conférences à Agrosup Dijon
Toujours sur le Chardonnay, une étude a été menée auprès d’un jury d’experts, avec une cinquantaine de vins (moitié de Chardonnay et moitié d’autres cépages). Après dégustation, on leur a posé une seule question : « ce vin est-il un bon ou un mauvais exemple de vin de Chardonnay ? ». Majoritairement, les vins issus de Chardonnay furent considérés comme de bons exemples, les mauvais exemples étaient principalement des vins issus d’autres cépages.
Dans le cas du Chardonnay, on peut dire que le test fût probant, pour mettre en évidence une certaine typicité des vins de Chardonnay.
Mais ce ne fût pas le cas, dans le cadre d’études sur des appellations, telles que « Vin de Pays rouge du Duché d’Uzès ou l’AOC Fleurie ».
Donc la méthode donne des résultats positifs mais elle ne peut être appliquée et vérifiée dans tous les cas.
- 3ème expérience ;
Olivier Pillet, responsable des expérimentations œnologiques chez Lallemand a proposé de tester une nouvelle levure, dans le sens où son espèce est peu ou pas utilisée habituellement, afin d’observer son potentiel, dans la cadre d’une double inoculation dans le moût de raisins. Dans l’ensemble, les résultats furent positifs, mais la méthode n’est pas « sure » et comporte un certain nombre de contraintes pour être applicable facilement à grande échelle.
Ici aussi la levure jouait un rôle pour modifier les aromes de vins.
- 4ème expérience ;
Elle portait sur les vins rosés, sans entrer dans les détails, il s’avère que l’on ne peut pas définir une « typicité aromatique » des vins rosés.
- 5ème expérience ;
Cette dernière était en rapport avec la fermentation malolactique, son rôle et conséquences…
Je n’y ai pas compris grand-chose, je n’y ai pas vu un intérêt majeur, donc je m’abstiendrai.
J’avais déjà dénoncé les technologies œnologiques qui jouent un rôle transformateur du vin, qui servent l’homme plutôt que le vin ou les consommateurs.
Les résultats présentés par Lallemand confirment ces initiatives de plus en plus nombreuses, pour savoir dans quelles limites, on peut manipuler le vin pour en faire ce que l’on veut.
Après tout à quoi cela sert-il de se demander si un cépage ou une appellation possède une quelconque typicité, si « cette typicité » ne correspond pas au produit que l’on souhaite, parce qu’il ne plairait pas assez….
Avec le premier exemple, j’ai la sensation que l’on marche sur la tête, n’est-il pas plus simple de produire du vin de Sauvignon, plutôt que du Chardonnay qui possèderait un « profil » Sauvignon, grâce aux levures.
Avec ce type de pratiques, pourrions-nous considérer qu’il y a « usurpation » ? Si un client recherche un Chardonnay avec des caractéristiques de Chardonnay et qu’il se retrouve avec un « gout » de Sauvignon, est-ce normal ? Est-ce acceptable ? Est-ce raisonnable ?
Je me demande si tout cela est bien éthique, je me demande jusqu’où pouvons-nous aller encore…
Autre article, même thème : "les levures de fermentation"
Bonne journée