29 Avril 2024
Dans un précédent article, j’avais soulevé la question : « Typicité des appellations, comment la déterminer ? ».
Je vous avais présenté une étude réalisée par le Laboratoire Grappe, de l’Ecole Supérieure d’Agriculture (ESA) d’Angers, qui avait démontré que lorsqu’un Jury de dégustation est composé de professionnels du vin, spécialistes d’une appellation, ce jury pouvait reconnaître à l’aveugle, par l’analyse sensorielle, une appellation parmi d’autres vins proches de cette appellation. A partir de cette reconnaissance, un travail était mis en œuvre pour déterminer un certain nombre de descriptifs, liés à l’appellation, pour établir la notion de typicité.
Le maître de recherches conclut cette étude en disant : « Ce travail peut faciliter la différenciation entre vins typiques et peu typiques d’une appellation, cela peut se révéler utile dans le contexte de redéfinition des AOC. »
Auquel j’ai ajouté : « Si ce travail était réalisé pour chaque AOC, sans doute cela nous aiderait à y voir plus clair à tout niveau : définition de la typicité, pourquoi ceux-ci sont-ils typiques et pourquoi ceux-là ne le sont-ils pas, les causes de ces différences, sont elles dues au terroir ou aux interventions humaines ? Nous pourrions peut être, enfin apporter des réponses et de la transparence dans le milieu du vin, si opaque par sa complexité… »
Après cette étude, d’autres furent menées, sur le même modèle, sur d’autres appellations par un groupe de travail, formé par l’INAO et l’INRA. Les résultats furent sensiblement similaires, sauf pour le cas du Cru Fleurie, à distinguer parmi d’autres crus et Beaujolais-Village, où le jury ne put différencier les vins de Fleurie des autres vins.
Dans cette publication, une chargée de mission à l’INAO nous donne son avis concernant le cas du Fleurie.
Elle semble rassurée sur le fait de ne pouvoir déterminer une typicité quelconque du Cru Fleurie, expliquant que les vins du Beaujolais ont un socle sensoriel commun, du fait de conditions de production communes, mais qu’en tenant compte du facteur humain, qui façonne les vins, suivant les choix de pratiques viticoles et œnologiques, les vins possèdent également des caractéristiques différentes.
Si la typicité d’un vin devait être déterminée, à partir de profils sensoriels types, ou de grilles standards, comme cela se fait pour les produits de l’industrie alimentaire, elle s’inquiète de conséquences, telles que la standardisation ou l’industrialisation outrancière de la filière viticole.
Je ne sais pas vous, mais je me sens empli d’un certain paradoxe…
D’un côté, je prône la diversité des vins et d’un autre côté, si l’appellation n’est pas représentative d’une typicité, alors à quoi sert l’AOC ?
Peut-on envisager que la typicité laisse suffisamment de place à la diversité ?
Y-aurait-il un juste milieu entre les éléments communs qui servent de repères, et les éléments différents qui valorisent l’originalité ?
Pourrions-nous définir un vin à partir d’une base commune, mais avec une tolérance aux particularités…
Après tout, le cas des vins du Beaujolais nous montre la possibilité de conjuguer ressemblance et différence au sein d’un même groupe.
Finalement, aujourd’hui c’est cet angle d’approche qui doit être pris en compte, puisque dans toutes les régions, nous rencontrons des vignerons qui se voient refuser l’AOC, suite au contrôle organoleptique. Principal motif revendiqué : le vin n’est pas conforme ou représentatif de l’appellation. Mais je le répète, actuellement rien ne définit pour chaque appellation les critères qui lui sont spécifiques ou non, alors sur quelle base les vins sont-ils évalués, s’il n’existe pas de définitions organoleptiques des appellations ?
Normalement, les dégustateurs de contrôle, ne devraient refuser l’AOC qu’aux vins possédant un défaut organoleptique majeur, mais là-encore qui définit ce qui est un défaut…
Dans l’exemple qui suit, les critères restrictifs sont de l’ordre d’arômes ou de nuances de couleurs, mais s’agit-il de défauts majeurs, ayant une conséquence négative pour le consommateur ? A mes yeux ce n’est pas le cas, mais apparemment pour Quali-bordeaux, ça l’est !
Ci-dessous un extrait de presse, où un vigneron bergeracois dénonce ce système de contrôle des AOC, parce qu’il le subit…